Le Tourist Trophy en NORTON F1
Pour sa deuxième participation au Tourist Trophy, Cyril Guillemin s’est vu offrir la possibilité de rouler sur une Norton F1. C’est une expérience unique, pour ce français, puisque seuls une poignée de pilotes anglais (dont Robert Dunlop) ont pu rouler sur cette machine sur l’Ile de Man.
Tourist Trophy Norton F1Cyril Guillemin est le seul français à avoir roulé sur une Norton F1, à moteur rotatif, au T.T. 2003. Reconnaissant, le public anglais n’a pas hésité à demander nombre d’autographes au "frenchy" ! |
Après une première expérience sur une ZX-6R l’année dernière, je tente le TT 2003 au guidon d’une NORTON F1 dans la plus difficile des catégories : le Senior TT, réservée aux 90 meilleurs pilotes a l’issue des qualifications.
Une NORTON F1 ?
Peu connue dans l’hexagone la dernière des Norton est aussi la dernière moto commercialisée avec un moteur rotatif. Elle a connue son heure de gloire en gagnant le Senior TT en 1992 aux mains de Steve Hislop, dernière victoire d’une machine anglaise jusqu’à ... cette année avec la victoire de Triumph en 600 supersport. Si 110 cv à la roue arrière pour 588 cm3 associés a une courbe de couple parfaite étaient des atouts certains il y a dix ans, ces chiffres n’impressionnent plus personne aujourd’hui où une 600 de série à peine optimisée offre les mêmes performances.
Je savais à l’avance que le challenge allait être difficile. Surtout qu’avec une valeur estimée a plus de 20000 € et certaines pièces moteur introuvables aujourd’hui, la chute même bénigne n’est pas permise ...
Premiers essais peu concluants
Première séance d’essais de la « Practice Week » (la semaine d’essai qualificatifs avant les courses), je comprends dès le premier des 60 km du circuit que l’affaire n’allait pas être simple, la moto n’avait jamais roulé ici et les réglages de suspensions sont totalement ’out’. La moto est même dangereuse, je me fais en effet surprendre à plus de 200 km/h en pleine ligne droite juste avant "Quarry Bends" par un louvoiement qui s’initie tout seul pour s’amplifier de manière incontrôlable ! Il se calme heureusement juste avant le freinage alors que je commençais à regarder où je pouvais trouver une ouverture entre les arbres et le mur pour tomber avec quelques chances d’en sortir vivant, grosse frayeur !. Le reste du tour est bouclé sur des oeufs. De retour au stand c’est la consternation, je lis la déception dans le regard d’Andy. Le propriétaire anglais de la moto s’est beaucoup investi pour la préparation de cette machine sur laquelle il compte s’engager au Manx Grand Prix (antichambre du TT qui utilise exactement le même tracé avec des temps de qualification plus large et qui a lieu fin août).
Pour la deuxième séance nous montons des jantes plus lourdes qui en augmentant l’effet gyroscopique améliore nettement la stabilité en ligne droite, mais au détriment de l’agilité dans les (nombreux) changements de trajectoires à haute vitesse. Nous changeons également les pneus, en passant des Pirelli aux Avon qui offre une carcasse un peu plus raide et améliore la stabilité à haute vitesse. La situation s’améliore instantanément même si je reste sur la défensive après la frayeur du premier tour.
Au tour du réglage des suspensions
La moto est désormais sûre, mais tout reste à faire pour les réglages de suspension. Nous passons le reste de la semaine à régler progressivement tous les défauts en essayant de composer avec les conditions météos peu propices aux séances de réglage. La météo sur l’île de Man est toujours un problème. La route est enfin sèche pour la toute dernière séance de qualification.
La moto gigote encore beaucoup sur les bosses et je perds énormément de temps sur les portions bosselées entre Sulby et Ramsey. J’espérais pourvoir compenser en attaquant plus fort dans la montagne, malheureusement la balance entre les ressorts de fourche et d’amortisseur est toujours défaillante. Dès que je force un peu les appuis et particulièrement à haute vitesse, la moto ondule entre les suspensions avant et arrière. C’est un problème qu’on rencontre rarement sur une moto de série, qui bénéficie de longues séances de mise au point aux mains de pilotes expérimentés.
Ici nous sommes parti de zéro, et nous manquons tout simplement de roulage. Je me suis retrouvé deux fois à rentrer dans des virages rapides en vrac avec une moto qui danse la lambada. Compte-tenu des vitesses atteintes dans la montagne et du manque de dégagement, je calme le jeu et n’insiste pas, le TT n’est pas l’endroit pour faire ce genre d’essais. Nous tentons sur le dernier tour de compenser en fermant exagérément les hydrauliques, ça ne résout pas tout dans la montagne et devient invivable sur les bosses.
C’est dommage que ces problèmes de suspensions viennent gâcher le plaisir. La moto est fantastique, le moteur pousse vraiment fort sans avoir besoin de monter haut dans les tours (10500 tr/min maxi), et fait un bruit vraiment exceptionnel. Avec 2 rotors qui comportent 3 chambres de combustions chacun, le "Rotary Engine" est équilibré comme un 6 cylindres en ligne. Et comme il se doit, la belle musique s’écoute fort : avec 118 dB mesurés au sonomètre on entend la moto a plus de 3 km dans la montagne ! Les spectateurs qui ont pu assister aux essais s’en souviennent encore. Le pire ce doit être pour les habitants de Kirk Mickael, un petit village qu’on traverse a fond de six ... à 5 h du matin lors des "Morning Practice" !
Avec un chrono qui est obstinément reste au dessus des 23 minutes, nous n’avons au final pas réussi à descendre sous les 21’30 minimum pour la qualification. Le potentiel est là, avec quelques séances de travail supplémentaire, ou un pilote plus habitué aux motos à l’ancienne qui gigote sur les bosses, nous aurions probablement pu arriver à l’objectif.
Une autorisation de courrir qui tombe à l’impromptu
Alors que je m’étais résigné à contre cœur à faire le Senior TT sur mon Aprilia avec laquelle par ailleurs j’avais fait le temps nécessaire pour la qualification, l’organisation nous a finalement autoriser à courir avec la Norton : l’organisation à l’anglaise est parfois difficile à comprendre ...
La course n’est qu’une longue promenade, faute de séances d’essais avant la course, nous en sommes toujours au même point, et je ne vais pas tenter le diable, trop dangereux au TT. Nous finissons bon dernier au classement mais bien placé à l’applaudimètre, manifestement même les plus blasés des spectateurs, les Marshals (commissaires de pistes) ont apprécié la musique fantastique de la Norton. Il paraît qu’en passant à Braddan Bridge, j’ai déclenché à chaque fois des alarmes de moto garées non loin de la route.
La belle musique s’écoute fort.
Cyril GUILLEMIN
Les résultats des autres français :
Le pilote français qui occupe le haut du tableau des résultats des français est Bruno Bonhuil, le pilote de la Zong Shen N°2, puisqu’il termine 26e en catégorie Junior (600 supersports). Vient ensuite Fabrice Miguet, du Calvados, qui finit 30e et Nicolas Servigne 39e. Ces trois pilotes obtiennent une "Bronze replica". Dans le cas de Nicolas Servigne, sa prestation est remarquable puisqu’il est "new comer" . C’est très rare qu’un "nouveau venu" décroche cette récompense lors d’une première participation au T.T.
Laurent Astier et Marc Bichouard terminent respectivement 62e et 63e de cette catégorie. Marc Dufour ne termine pas cette course, victime d’une chute il se casse le poignet.
En Formula One, Christophe Di Marino, plusieurs fois champion de la montagne, termine 31e. Marc Dufour 37e, Cyril Guillemin (sur Aprilia) 39e et Thierry Demoly 41e.
En 600 production ( moto d’orgine) c’est Fabrice Miguet, alias MIG qui termine 30e, loin devant Marc Bichouard et Laurent Astier qui finissent respectivement 60 et 62e.
Enfin en Senior, Christophe Di Marino termine 27e et Marc Bichouard 45e .
Tourist Trophy Norton F1Rencontré lors d’une course de "classic sprint", à Manchester en 2002 ,Andy Wilson a bien voulu confier son bijou à Cyril pour le Tourist trophy 2003. |
Thierry Leconte